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Choeur de Meudon
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5 mai 2010

Article du Monde du 23/02 sur Ariel Ramirez

imagesJacques, notre documentaliste, m'a fait part de l'article du journal le monde du 23 février sur la  vie du compositeur argentin Ariel Ramirez qui a écrit la célèbre Misa Criola que nous avons chanté en 2007. Bonne lecture :

Il avait timidement demandé au pianiste du bar de la Closerie des lilas, à Paris, s'il pouvait jouer un peu de piano pour faire entendre à son interlocuteur quelques thèmes authentiquement indiens.

Considérant le mètre quatre-vingt-dix de cet inconnu, le pianiste avait laissé sa place. Une minute plus tard, toutes les conversations avaient cessé, des clients s'étaient silencieusement approchés du pianiste : la tristesse des mélodies, à peine vivifiées par des rythmes complexes, avait fait son oeuvre : l'émotion avait saisi l'auditoire. Quand Ariel Ramirez, qui n'avait rien vu, arrêta de jouer : les applaudissements rompirent le charme, et lui éclata de rire.

Improvisateur de génie, doué d'une mémoire phénoménale, il était une bibliothèque vivante des thèmes du folklore argentin et des peuples indiens. Il jouait ainsi des nuits entières des airs qu'il harmonisait et qu'il variait avec une aisance stupéfiante. Il n'a malheureusement pas édité des pièces qui étaient pourtant fixées dans sa mémoire et auraient été un apport important au répertoire.

Mort le 18 février à Buenos Aires des suites d'une pneumonie et d'une insuffisance rénale, Ariel Ramirez était l'un des grands de la musique latino-américaine, enracinée dans une tradition née au début du XXe siècle, quand la musique érudite s'en fut chercher son identité dans le folklore né du métissage, noir, indigène, européen. Comme en Europe, Bartok, Kodaly, Enesco et Janacek le feront dans les mêmes années.

Né le 4 septembre 1921 à Santa Fe, ville du littoral argentin, il était âgé de 88 ans. Quatrième d'une fratrie de six enfants, Ariel Ramirez était issu d'une famille de musiciens : ses parents, grands-parents et oncles enseignaient la musique.

Il étudie le piano, un instrument qu'il avait découvert, disait-il, en pénétrant enfant dans « une pièce interdite de la maison familiale pleine d'animaux empaillés » et dotée d'un piano. Il apprend le répertoire classique, Haydn, tout en vivant les fêtes populaires et les rituels dont l'Argentine est riche. Sa vision musicale change radicalement quand il rencontre Arturo Schianca, spécialiste des musiques dites « folkloriques ». Le voilà sur une voie qu'il ne quittera plus.

Installé à Cordoba, Ariel Ramirez rencontre le grand auteur-compositeur et chanteur Atahualpa Yupanqui en 1941. Dans une pension pour étudiants, il croise le maître. « «Joue-moi une zamba» , me dit-il. Je lui réponds que je ne sais pas, parce que je ne suis pas allé au nord de l'Argentine écouter les guitaristes qui la jouent si bien, faute d'argent. »

Le lendemain, Atahualpa Yupanqui lui fait parvenir un billet de train, dix pesos, une adresse et trois noms. L'un d'entre eux est celui du musicologue Justiniano Torres Aparecido. Ils iront ensemble dans les provinces de Tucuman, Salta ou Jujuy, et jusqu'en Bolivie, à la recherche des secrets du folklore. « Juste avant d'arriver à Tucuman, j'avais composé La Tristecita », une zamba mélancolique. Avec des titres comme Purmamarca et Malambo, ce morceau qu'Ariel Ramirez considérait comme l'un des « plus purs » de son oeuvre, il sort en 1946 un 78-tours, premier des 21 disques qu'il publiera jusqu'en 1956 chez RCA Victor.

A partir de 1943, il avait connu un beau succès d'interprète, notamment comme pianiste à Radio El Mundo. S'il commence à connaître parfaitement les mécanismes de la création populaire, les structures rythmiques, l'esprit et le langage mélodique de ce folklore argentin nourri des croisements entre musiques indigènes, corpus hispanique et semi-érudit, il continue ses études classiques, de piano et de composition, notamment au conservatoire national.

En 1950, Ariel Ramirez s'installe à Rome, à l'invitation de l'Institut italo-argentin, et joue dans les grandes capitales européennes. En 1955, il revient en Argentine après un crochet par le Pérou, et met en place la Compagnie de folklore Ariel Ramirez où il travaille en les sublimant les expressions chantées et dansées de l'Argentine rurale.

Il compose alors des thèmes devenus des classiques, comme Los Inundados, Volveré siempre a San Juan ou La Ultima Palabra. Passé en 1961 chez Philips, Ariel Ramirez y publie une série d'albums qui illustrent cette démarche d'enrichissement et de mise en ordre du répertoire traditionnel. Il y croise les grands noms de la chanson argentine, et évidemment Mercedes Sosa, née en 1935 à San Miguel de Tucuman et morte en 2009 à Buenos Aires.

En 1964, il compose la Misa Criolla. La pièce sera créée le 20 décembre 1965, en Argentine, puis partira en tournée européenne à partir de 1967. La tournée prendra fin, au Vatican, par une audition privée devant le pape Paul VI. Cette messe, chantée en espagnol, suit la liturgie et utilise les instruments traditionnels du folklore argentino-indien.

Ariel Ramirez s'était d'autre part beaucoup engagé pour la protection des droits d'auteur : il fut l'un des piliers de la société des droits d'auteur argentine, la Sadaic, jusqu'en 2005, avant d'être atteint par la maladie d'Alzheimer. L'une de ses raisons était très personnelle : il avait lui-même été spolié.

Plus de trois cents chansons

En 1969, la France chante Alouette, alouette, paroles d'une chanson signée de Pierre Delanoë pour les paroles, « d'après folklore » pour la musique. En fait, la musique était d'Ariel Ramirez : elle figurait en complément de la Misa Criolla publiée chez Philips cinq ans auparavant dans Navidad Nuestra. Vingt ans plus tard, il évoquait cette affaire en riant : « Cette affaire m'a permis d'acheter un grand appartement en Argentine. »

Ariel Ramirez a composé plus de trois cents chansons, notamment avec deux de ses amis, Miguel Brasco et Felix Luna. Avec ce dernier, il a créé quelques-unes des plus belles chansons argentines contemporaines, comme Los Reyes Magos, Antiguo Dueno de la Flechas, et surtout Alfonsina y el Mar, interprétée par Mercedes Sosa qui publie en 1972 Cantata Sudamericana y Mujeres Argentinas, troisième album entièrement réalisé par Ariel Ramirez et Felix Luna pour « La Negra », ainsi surnommée pour son physique indien. Félix Luna y avait rendu hommage à la poétesse Alfonsina Storni Martignoni (1892-1938), amie de Jorge Luis Borges et de Federico Garcia Lorca, qui s'était suicidée en se noyant dans la mer.

En 1981, Ariel Ramirez compose une nouvelle oeuvre Misa por la Paz y la Justicia. Cette dernière oeuvre n'a pas rencontré le succès planétaire de la Misa Criolla dont les enregistrements discographiques se sont vendus à plusieurs millions d'exemplaires.

Au total, il a édifié une oeuvre universelle en puisant aux sources modales indiennes les plus pures qu'il a su associer aux bases les plus solides de la composition classique.                  

Véronique Mortaigne et Alain Lompech

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